Tchernobyl, la ville (6)


Dans la zone d’exclusion et particulièrement à Pripiat, il est déconseillé de consommer toute nourriture, même emportée. Une jigouli vient nous récupérer pour nous emmener à la cantine de la centrale. Au-dessus de la porte d’entrée, un cadran digital affiche en permanence la radioactivité. Il marque la valeur 90 qui varie toutes les quelques secondes de quelques unités. Pour prendre son repas, il faut au préalable passer un sas de mesure de la radioactivité. On passe un portillon, on se place face au portique en plaçant ses mains de chaque côté, bien à plat sur les deux tablettes verticales situées à hauteur d’épaule. On reste immobile dans cette position quelques secondes, si aucun élément contaminé n’est détecté un voyant vert s’allume et le second portillon se déverrouille pour vous donner accès à la zone de restauration. Dans le cas contraire, des alarmes lumineuses rouges s’allument et les portillons restent bloqués. A mon passage, les portillons ne se déverrouillent pas. Fausse alerte, je n’avais pas laissé les mains suffisamment longtemps sur les plaques.
Après le déjeuner, nous visitons les bassins de l’eau de refroidissement de la centrale. D’énormes poissons-chats prolifèrent dans l’eau noirâtre. L’eau de certains bassins serait contaminée. Nous rejoignons notre voiture et passons devant une sculpture monumentale représentant Prométhée dérobant le feu aux Dieux. Nous prenons la direction de Tchernobyl. Nous passons un poste de contrôle, celui qui permet de passer de la zone d’exclusion où la contamination au kilomètre carré est supérieure à 40 curies, à celle moins contaminée définie approximativement par un cercle de 50 km autour de la centrale. La ville comptait environ 10.000 habitants au moment de la catastrophe et existait déjà au XIe siècle. Elle est située à treize kilomètres au sud de la centrale nucléaire. Cette ville qui a donné son nom à la centrale nous rappelle encore la prophétie évoquée en introduction. Le mot traduit littéralement signifie plante noire, et c’est en russe le nom des armoises, le genre d’herbacés dans lequel est classifiée l’absinthe.
La ville n’est guère habitée que par les employés de la centrale, logés dans des bâtiments construits après l’accident. Les vieilles isbas, ces maisons en bois coloré, sont abandonnées pour la plupart, envahies par la végétation. Les enfants et les femmes en âge de procréer n’ont pas droit de cité. Les ouvriers venant de Kiev ou d’autres villes travaillant à proximité du réacteur restent quelques semaines puis repartent dans leur ville d’origine.
En repartant vers la centrale, on marque un arrêt à la caserne des pompiers de celle desquels sont partis les véhicules d’intervention après les explosions. Un monument se trouve devant la porte d’entrée et porte le texte « A ceux qui ont sauvé le monde ». Fortement irradiés, les pompiers ont en effet payé un lourd tribut, ils décédèrent tous moins de trois mois après leur dernière intervention.
A quelques centaines de mètres du réacteur RBMK 1000 numéro 4 se trouve un chantier laissé à l’abandon, celui figé de la deuxième tranche qui devait comprendre les réacteurs numéro 7 à 12. Le bâtiment est entouré par de hautes grues rouillées et immobiles depuis plus de vingt ans. Le septième réacteur devait rentrer en service six mois après l’accident.
Le réacteur n°8 est toujours dans son hall de construction, un coin a été démonté pour récupérer une partie des centaines de tonnes de ferraille composant le réacteur. C’est là, en me trouvant à côté du frère du réacteur numéro 4, que je me fais une idée de la puissance de l’explosion qui a soufflé le couvercle de 500 tonnes.

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