Arrivée à la centrale nucléaire de Tchernobyl (3)


Quatre jours à vivre au rythme de Slavoutitch, à se promener malgré un temps glacial, à manger et c’est un choix, du bortch à tous les repas, cette excellente soupe à base de betteraves rouges qui s’accommode de multiples façons. En raison du week-end, il nous aura fallu attendre le lundi pour obtenir les autorisations nécessaires. Au matin du cinquième jour, les précipitations de la nuit laissèrent place à un temps couvert et polaire. Quelques flocons de neige tombaient. J’avais passé une mauvaise nuit à écouter le bruit de la pluie et à attendre une hypothétique accalmie. La pluie pouvait m’empêcher de réaliser mes travaux photographiques et rallonger encore un peu plus le séjour dans cette ville.
A 7h30, nous rejoignîmes Dimitri, notre guide, devant la gare de Slavoutitch. Le train pour la centrale était déjà à quai. Nous montâmes dans un wagon sans aucun contrôle, nous n’avions pas même de billet.
En une heure, le train relie la gare de Slavoutitch à la centrale nucléaire de Tchernobyl. Il n’est emprunté que par des personnels se rendant sur le site pour y travailler. Les wagons sont dépourvus de compartiment et présentent une rangée de banquettes doubles de part et d’autre de l’allée. L’ambiance est celle que l’on retrouve dans n’importe quel train de banlieue, chez nous ou ailleurs.
Il se mit en route. Après avoir parcouru quelques kilomètres, il s’arrêta dans la zone industrielle de Slavoutitch, séparée de la ville, pour permettre à une poignée de voyageurs de descendre pour se rendre à leur travail.
Aussitôt, le convoi se remit à rouler et nous nous enfonçâmes dans l’étendue sauvage des plaines d’Ukraine. Il traversa le Dniepr qui marque l’entrée sur le territoire bélarusse. Le Belarus possède en effet, à cet endroit, une avancée de territoire en forme d’appendice qui pénètre d’une vingtaine de kilomètres le territoire ukrainien. Il n’y eut ni arrêt ni contrôle douanier, le train traversa d’un trait la zone.
Le ciel était sombre et lourd, le plafond bas. La nature généreuse et sauvage nous offrait des paysages alternés de plaines boisées et d’étendues marécageuses, les marais de Polésie. Le train traversa un deuxième pont surplombant cette fois-ci le Pripiat, large fleuve serpentant à perte de vue. Le train déjà ralentissait.
Un hangar situé à proximité directe de la voie de chemin de fer était tagué. Un texte en anglais marqué en caractères géants annonce la couleur « Welcome to Hell », bienvenue en enfer. Le train parcourut encore quelques centaines de mètres et finit par s’arrêter définitivement. Il déversa son flot de voyageurs sur un quai couvert. Nous descendîmes à notre tour et la marée humaine nous entraîna dans l’étroit tunnel en direction du check point d’accès à l’enceinte extérieure de la centrale de Tchernobyl. L’équipe de nuit passait les portiques de détection de contamination radioactive puis formait une queue en attendant de gagner le train à leur tour.

Dans l’enceinte de la centrale nucléaire, j’aperçois la cheminée localisant l’emplacement du réacteur numéro 4 et son imposant sarcophage de plomb et de béton. Le premier moment d’émotion passé, on s’habitue à sa présence, mais on l’observe dès que possible comme le monstre en veille qu’il est.
Le sarcophage est en travaux. Il faut consolider la structure pour prévenir un risque d’affaissement et colmater les quelque 1000 m² d’ouvertures estimés à la fin de sa construction. Le sarcophage avait été construit à la va-vite. Les engins de levage étaient abrités derrière des murs et les grutiers n’avaient réussi à ajuster les plaques de béton avec suffisamment de précision. Les ouvriers ne travaillent au maximum que quelques heures sur les échafaudages et durant des périodes brèves. Le monstre crache toujours son venin.

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