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Affichage des articles du avril, 2009

Devoir de mémoire (10)

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Le professeur Nikolaï Tushin montre l'atlas recensant les zones contaminées en Europe Pripiat, vestige lugubre d’une authentique ville de l’ère soviétique, est figée à tout jamais depuis cette année 1986. Il s’agit d’une ville unique en son genre, datant de l’époque communiste, une ville-fantôme faisant office de musée. Des experts annoncent que la ville est contaminée aux isotopes de plutonium dont la durée de vie est de 48.000 ans. Avec Tchernobyl, nous avons passé un point de non-retour et nous vivons dans un monde différent, l’ancien monde s’est évanoui. Mais l’homme a la mémoire courte et n’a pas envie de réfléchir à cela. Il n’y a même jamais réfléchi, il a été pris de court. Le bilan de cette catastrophe est terrible mais malheureusement, il ne sera toujours que provisoire. Les effets de la contamination se constateront encore sur plusieurs générations. Dans la zone contaminée (au-delà d’un certain seuil car les trois quarts de l’Europe sont contaminés à des val

Pripiat, la maternité (9)

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La maternité et la polyclinique sont comme la plupart des constructions de la ville difficilement accessibles tant la végétation s’est développée. C’est à la polyclinique que sont arrivés les pompiers irradiés lors de leur intervention à la centrale de Tchernobyl. Je me remémore le prologue de   La Supplication de Svetlana Alexievitch quand la jeune femme démarre le terrible récit de la lente agonie de son mari pompier. Le lieu est particulièrement sinistre du fait du délabrement et de l’obscurité qui y règnent. Mon souci est d’éviter les gouttes d’eau potentiellement contaminées tombant des plafonds et provenant des infiltrations. Après deux jours passés à errer dans cet environnement hostile, la peur d’une contamination grandit. Bien que passant les portiques de détection   pour me rendre à la cantine de la centrale ou pour retourner le soir à Slavoutitch, je m’interroge. Est-ce que les équipements de mesure sont correctement étalonnés ? Ne les aurait-on pas réglés trop bas pour n

Pripiat, l'école (8)

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Non loin de ce bâtiment se trouve une école maternelle. Dans la cour, l’aire de jeux disparaît sous les herbes folles. Dans un coin se trouve une fusée construite en tiges métalliques. Pour s’amuser, les enfants pouvaient se faufiler dans cet enchevêtrement de ferraille. L’émotion monte d’un cran, une fois à l’intérieur. Une salle de jeux offre un spectacle particulièrement saisissant. Des étagères regorgent de cubes colorés à l’éclat fatigué, le sol est jonché de jouets métalliques et en bois. Par-ci par-là, des modèles réduits de camions militaires et de chars d’assaut témoignent de l’admiration forcée des garçonnets pour la puissante armée rouge. Des poupées désarticulées au visage figé et meurtri laissent penser aux victimes bien réelles de la catastrophe. Plus loin, une pièce attenante contient de nombreux petits lits métalliques dont les rares matelas encore présents avaient comme explosé. Ici, les bambins effectuaient leur sieste. Cette fois, d’authentiques masques à gaz p

Pripiat, la piscine (7)

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De retour à Pripiat, nous explorons l’édifice abritant l’ancienne piscine. Parmi les liquidateurs se trouvait un athlète ukrainien de haut niveau. Chaque jour après son travail, il venait faire des longueurs de bassin pour entretenir sa forme. Ses équipiers, au contraire, profitaient du temps libre pour ingurgiter des quantités impressionnantes de vodka. Celle-ci était fournie en abondance aux liquidateurs et on lui attribuait des vertus purificatrices par rapport à la contamination radioactive. Ils le raillaient mais il s’obstinait à s’entraîner. Ses collègues survécurent et lui fut atteint d’un cancer qui devait l’emporter.

Tchernobyl, la ville (6)

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Dans la zone d’exclusion et particulièrement à Pripiat, il est déconseillé de consommer toute nourriture, même emportée. Une jigouli vient nous récupérer pour nous emmener à la cantine de la centrale. Au-dessus de la porte d’entrée, un cadran digital affiche en permanence la radioactivité. Il marque la valeur 90 qui varie toutes les quelques secondes de quelques unités. Pour prendre son repas, il faut au préalable passer un sas de mesure de la radioactivité. On passe un portillon, on se place face au portique en plaçant ses mains de chaque côté, bien à plat sur les deux tablettes verticales situées à hauteur d’épaule. On reste immobile dans cette position quelques secondes, si aucun élément contaminé n’est détecté un voyant vert s’allume et le second portillon se déverrouille pour vous donner accès à la zone de restauration. Dans le cas contraire, des alarmes lumineuses rouges s’allument et les portillons restent bloqués. A mon passage, les portillons ne se déverrouillent pas. Fa

Pripiat, le parc d'attraction (5)

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Au bout de l’avenue Lénine se trouve la Place de la Culture. Sur la façade d’un immeuble d’habitation nous pouvons lire en caractères cyrilliques géants Le parti de Lénine est la force populaire qui nous conduit vers le triomphe du communisme, nous effectuons un retour dans l’idéologie soviétique. L’immeuble le plus élevé de Pripiat compte 17 étages. Sur son toit est accrochée une imposante couronne métallique à la gloire du régime soviétique. On décide de grimper sur le toit pour avoir une meilleure vue de l’étendue de la ville. La montée des escaliers est pénible, voire hésitante. A chaque palier, les portes ouvertes de l’ascenseur laissent apparaitre un trou noir béant et effrayant. Des débris de toutes sortes jonchent les marches et ce vent tourbillonnant et sifflant dans les escaliers rend encore plus angoissant ce décor d’apocalypse. On accède enfin à la terrasse. Les rafales se font plus violentes et rendent périlleux les déplacements sur le toit mais on se risque à fair

Pripiat, la ville fantôme (4)

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Cette ville créée ex-nihilo , dont la construction débuta au début des années 70 en même temps que celle de la centrale nucléaire de Tchernobyl, fut habitée par les personnels travaillant sur le site et leurs familles. Construite selon un schéma expérimental, elle était dotée d’infrastructures modernes et d’équipements nombreux adaptés aux besoins de ses 50.000 habitants. Les ouvriers du nucléaire étaient des privilégiés. A partir de la centrale de Tchernobyl, nous empruntons à pied une large chaussée déserte pour nous rendre à Pripiat. Un vent glacial et violent balaye la chaussée, quelques flocons de neige atteignent péniblement le sol. Nous marchons en file indienne, tête baissée pour nous protéger du froid. Masquée par la forêt, la ville tarde à s’offrir à mon regard. Après une marche d’environ quatre kilomètres, nous traversons un pont enjambant des voies ferrées. En contrebas, la ville apparaît enfin. Elle est ceinturée par une haute clôture en fils de fer barbelés qui s’é

Arrivée à la centrale nucléaire de Tchernobyl (3)

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Quatre jours à vivre au rythme de Slavoutitch, à se promener malgré un temps glacial, à manger et c’est un choix, du bortch à tous les repas, cette excellente soupe à base de betteraves rouges qui s’accommode de multiples façons. En raison du week-end, il nous aura fallu attendre le lundi pour obtenir les autorisations nécessaires. Au matin du cinquième jour, les précipitations de la nuit laissèrent place à un temps couvert et polaire. Quelques flocons de neige tombaient. J’avais passé une mauvaise nuit à écouter le bruit de la pluie et à attendre une hypothétique accalmie. La pluie pouvait m’empêcher de réaliser mes travaux photographiques et rallonger encore un peu plus le séjour dans cette ville. A 7h30, nous rejoignîmes Dimitri, notre guide, devant la gare de Slavoutitch. Le train pour la centrale était déjà à quai. Nous montâmes dans un wagon sans aucun contrôle, nous n’avions pas même de billet. En une heure, le train relie la gare de Slavoutitch à la centrale nucléaire de

Slavoutitch, la ville des liquidateurs (2)

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Dans le cadre de la préparation d’un projet artistique, je m’étais rendu fin octobre, début novembre 2006 dans la zone d’exclusion de Tchernobyl pour y faire un travail de reconnaissance photographique. C’est un ami faisant office d’assistant photo qui m’accompagnait. Slavoutitch est une ville jeune, bâtie à partir de 1987. Cette ville d’Ukraine perdue au milieu des bois se trouve sur un axe est-ouest, à mi-chemin entre la centrale nucléaire de Tchernobyl et la ville de Tchernigov. Elle compte environ 25.000 habitants majoritairement d’origine russe. La ville fut construite à la hâte et abrita dans un premier temps une partie des 800.000 liquidateurs ayant œuvré à « liquider » les effets de la catastrophe dans les mois et les années qui suivirent l’accident. Puis les familles des employés de la centrale, qui n’arrêta sa production d’électricité qu’en décembre 2000, s’y installèrent. Quelques 3000 personnes seraient actuellement encore employées sur le site de la centrale nucléai

Tchernobyl, 26 avril 1986 (1)

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La nature est sauvage et très belle dans cette région partagée entre la Russie, la Biélorussie et l’Ukraine. De larges étendues boisées alternent avec des zones marécageuses dotées d’un écosystème riche et varié. Elles recèlent de poissons, d’échassiers, de sangliers, de bisons, de loups… La flore aussi y est riche, on y trouve l’absinthe, une plante aromatique  amère très répandue dans cette zone. - Et le troisième Ange sonna de la trompette. Et il tomba du ciel un grand astre, brûlant comme une torche. Il tomba sur le tiers des fleuves et sur les sources ; - Le nom de cet astre est " Absinthe " : le tiers des eaux se changea en absinthe, et bien des gens moururent de ces eaux devenues amères. Ce passage extrait du Nouveau Testament, chapitre Apocalypse, nous parle aussi d’absinthe. Il s’agit d’un astre comme celui qui au XIXe siècle a jeté une pluie de météorites sur la région de Braguine, non loin de Tchernobyl. S’agissait-il des signes avant-coureurs d’une malé