La forteresse de Kaunas



J’avais réservé à l’hôtel Kauno Arkivyskupijos situé au cœur même de la vieille ville. Je descendis du trolleybus à Kauno Pilis. A pied et harnaché de tout mon barda je me dirigeai vers le château de la ville datant du XVIe siècle, pour le longer et je débouchai sur la place Rotušės où je devais me rendre. Je scrutai les bâtiments pour localiser l’hôtel. Je ne l’aperçus pas tout de suite car il s’agissait d’une bâtisse un peu inattendue. Coincé entre une église et un porche qui donne accès à une belle cour intérieure, l’hôtel se trouve être un bâtiment appartenant au diocèse de Kaunas. Après avoir trouvé la discrète porte d'entrée, je sonnai et la réceptionniste vint m'ouvrir. La chambre est propre, fraîchement rénovée et d'une sobriété toute religieuse digne d’un monastère. La réceptionniste qui fait également office d’administrateur est une étudiante en biologie qui partage son temps entre la faculté et son travail à l’hôtel. La personne est agréable et son décolleté tranche merveilleusement avec les lieux un peu austères. Elle me parla de Kaunas, de ses études, de ses ambitions…
Le soir, j’avais rendez-vous avec Vladimir Orlov, directeur du Karo Paveldo Centras. Il dirige un organisme chargé de faire des propositions pour une mise en valeur des vestiges militaires. Nous avons dîné au Medšiotoju Ušeiga, un restaurant situé sur la place Rotušės et spécialisé dans les plats de gibier et la cuisine lituanienne. Les bières locales sont excellentes et la cuisine riche et savoureuse. Ce soir-là, je goûtai à une karbonadas, escalope de porc panée et frite accompagnée d’une sauce aux champignons et des cepelinai, boulettes de pomme de terre en forme de zeppelin, d'où leur nom. Vladimir me fit, nombreux document à l’appui, un brillant topo sur la forteresse de Kaunas. Son origine, son évolution, son système de défense, les infrastructures, les techniques utilisées pour la construction et le contexte historique furent abordés.
La ville de Kaunas est ceinturée de neuf forts qui constituaient l’essentiel du système de défense de la forteresse impériale russe. Sa construction débute en 1882 et se poursuit jusqu’en 1915, année où l’armée allemande fait tomber un à un les forts pour finalement prendre toute la ville. Le système de défense est inspiré des techniques mises au point par Vauban. L’histoire des forts ne s’arrête cependant pas là. Les Allemands font des travaux mineurs de renforcement jusqu'en 1918. Après la Première Guerre mondiale, la Lituanie gagne son indépendance et la forteresse abrite des éléments de la nouvelle armée lituanienne. Sa reconstruction n’est néanmoins plus à l’ordre du jour en raison du coût jugé trop important et des nouvelles techniques militaires réduisant considérablement l’intérêt de tels ouvrages.
En 1938, le pacte Molotov-Ribbentrop jette la Lituanie dans la sphère d'influence soviétique. C’est alors tout naturellement que l’armée rouge investit les lieux en juin 1940 et transforme certains forts en prison pour y interroger et interner les prisonniers politiques. Un an plus tard, l’Allemagne rompt le pacte et l’armée allemande reprend possession de la forteresse. Les nazis convertissent certains forts en camp de concentration, près de 50.000 personnes sont exterminées, en grande partie des juifs issus du ghetto de Kaunas ou originaires de différents pays d’Europe centrale.

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